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Ophtalmopédiatrie : comprendre et traiter les pathologies

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES
27/09/2022

Après la rencontre inspirante et éclairante avec la Dr Juliette Pulman à l’Institut de la Vision [lire l'article "L'édition de gènes, une nouvelle ère pour la thérapie génique en ophtalmologie], nous avons choisi de mettre en lumière six femmes dont le talent est précieux à l’ophtalmologie. Nous irons à l’Institut Curie découvrir une oncologie oculaire innovante avec la Pr Nathalie Cassoux et la Dr Sophie Piperno-Neumann. À l’hôpital universitaire Necker-Enfants malades, ce sont la Pr Dominique Brémond-Gignac et la Dr Alejandra Daruich-Matet qui nous dévoileront leur quotidien pour mener de front pratique clinique et activité de recherche de pointe en ophtalmopédiatrie. Puis direction l’I-Stem (l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques) avec la Pr Christelle Monville, neurobiologiste, qui nous expliquera quelles stratégies de thérapies cellulaires sont déployées pour contrer les pathologies rétiniennes. Enfin, la Dr Catherine Vignal-Clermont illustrera comment est investigué le croisement de la neuro-ophtalmologie et de la thérapie génique à l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild ainsi qu’à l’hôpital des Quinze-Vingts. Six femmes d'excellence que nous sommes ravis de vous permettre de mieux connaître !

Pour ouvrir ce dossier spécial "Femmes d'excellence, volet N°2", nous vous proposons cette rencontre exclusive avec la Pr Dominique Brémond-Gignac, ophtalmologiste spécialisée en ophtalmopédiatrie, qui exerce à l'hôpital universitaire Necker-Enfants malades. Avec tous nos remerciements pour sa bienveillance et son partage d'expertise.

 

Pr Dominique Brémond-Gignac : comprendre et traiter les pathologies en ophtalmopédiatrie

 

HÔPITAL UNIVERSITAIRE NECKER-ENFANTS MALADES

Pr Dominique Brémond-Gignac,
Chef du service d’ophtalmologie à l’hôpital universitaire Necker-Enfants malades, APHP.
Coordonnateur du centre de référence des maladies rares en ophtalmologie (OPHTARA), membre du réseau européen de référence (ERN-EYE)
 

Pr Brémond-Gignac

 

A l’origine, c’est sa fascination pour la fonction visuelle, si essentielle, qui attire le Pr Brémond-Gignac vers l’ophtalmologie. « En entrant à l’hôpital Robert Debré, en 1990, j’ai réalisé qu’un œil d’enfant n’est pas un œil adulte en miniature, il réagit différemment aux traitements », se souvient le professeur. Ophtalmologiste de formation, elle comprend alors que faire avancer l’ophtalmologie pédiatrique va lui demander de se surspécialiser en ophtalmopédiatrie, pour mener de front pratique clinique et activité de recherche de pointe. Maître de conférences en anatomie générale et praticien hospitalier en ophtalmologie à la Faculté Paris Diderot-Paris VII pendant près de 15 ans, elle se forme à l’imagerie médicale et soutient, en 1999, une thèse développementale sur la croissance de l’œil. Elle y démontre qu’après une phase très rapide jusqu’à six mois, le développement oculaire ralentit mais se poursuit jusqu’après les quatre ans de l’enfant. De 2008 à 2014, elle est en poste comme professeur des universités-praticien hospitalier à Amiens.
Six années qui l’éclairent sur la façon dont on pratique dans les CHU de province. Dix ans plus tôt, cette envie de voir comment on soigne ailleurs l’avait menée au Manhattan Eye, Ear and Throat Hospital of New York, pour un séjour observationnel de six mois auprès du Pr Dodick et du Pr Swinger.

 

"Un œil d’enfant n’est pas un œil adulte en miniature, il réagit différemment aux traitements"

 

En 2015, elle entre à l’Hôpital Necker. Sa mission : dynamiser le service d’ophtalmologie pour en faire un service d’expertise, et changer la façon dont s’y fait le soin aux patients. Car le Pr Brémond-Gignac en est convaincue, c’est en ayant une vue d’ensemble qu’on peut prendre en charge au mieux les patients. « C’est ce qui me plaît avec l’ophtalmologie. On y suit les patients de A à Z. On pose le diagnostic étiologique, on procède nous-mêmes aux examens complémentaires d’imagerie, à la chirurgie si elle s’avère nécessaire…mais on peut aussi réaliser le diagnostic génétique lorsque c’est pertinent, développer et appliquer des traitements y compris de thérapie génique… Peu de spécialités permettent d’avoir une aussi large palette de compétences mobilisées par le même praticien » s’enthousiasme celle qui est également directeur du département d’orthoptie de l’Université Paris Cité et se formait encore à l’éducation thérapeutique du patient il y a moins de quatre ans.

Lier signes cliniques et génotype, pour mieux traiter

Intéressée très tôt par les maladies rares et congénitales, dont elle coordonne le plus gros centre de référence du réseau européen, le Pr Brémond-Gignac développe une recherche qu’elle qualifie de phénotype-génotype. Elle l’applique notamment aux pathologies dysgénésiques sévères de l’œil, dont l’aniridie congénitale. Cette dernière, explique le professeur, est « une maladie panoculaire qui va entrainer beaucoup de complications pour les patients, qui vont jusqu’à la cécité. Ces complications sont dues à une opacification de la cornée, ou à l’établissement d’un glaucome, chez des patients dont la rétine n’est pas formée complètement et qui sont donc malvoyants à la base ». S’il existe depuis 2020 une thérapie génique potentielle pour cette maladie, tous les patients n’y seront pas réceptifs. En effet, 10% des malades ne présentent pas la mutation du gène prépondérante dans ce type de pathologie, et visée par le traitement. Un des axes de recherche du Pr Brémond-Gignac consiste, grâce à l’appui solide d’une collègue généticienne moléculaire, la Pr Sophie Valleix, à trouver des liens entre les modifications génétiques et le tableau clinique de ces patients, par le biais d’une caractérisation très fine de ceux qu’elle reçoit, tant sur le plan clinique, phénotypique, que sur le plan génétique. Elle a pour cela regroupé 380 patients, ce qui fait de sa cohorte la plus grande au monde sur cette pathologie. Loin de servir uniquement à faire progresser la connaissance fondamentale, ces travaux ont permis l’adaptation d’un traitement systémique pré-existant en collyre. Actuellement en cours de brevetage, cette formule galénique permet de relancer la traduction du gène directement au niveau oculaire, là où elle est nécessaire. Cette approche, la praticienne la décline au sein d’un projet européen sur le développement de plusieurs autres molécules ayant le même type de visée thérapeutique. Des études cliniques sont en cours de développement.

Pr Dominique Brémond-Gignac au bloc opératoire
© Photographe APHP

Aller au bout des choses pour faire avancer la connaissance

Une histoire résume particulièrement bien la pratique du Pr Brémond-Gignac, faite de démarche scientifique rigoureuse et de ténacité. Elle reçoit un jour en consultation un petit patient de 6 ans dont le tableau clinique, très spécifique, ressemble à celui d’une occlusion de la veine centrale de la rétine. Or cette pathologie touche habituellement l’adulte, et même l’adulte âgé. La clinicienne et chercheuse pense immédiatement à une anomalie génétique et prescrit à l’enfant des analyses très extensives, dont un bilan sanguin poussé car elle soupçonne un trouble de la coagulation. Le bilan révèle en effet deux anomalies plaquettaires. Cependant, un seul patient ne permet pas de tirer de conclusions sur le lien de cause à effet entre ces marqueurs et les symptômes présentés et l’histoire aurait pu en rester là. Mais le hasard s’en mêle. Un de ses étudiants, dont elle remarque qu’il présente un petit défaut oculaire, lui confie avoir fait une occlusion de la veine centrale de la rétine à l’adolescence mais que le bilan sanguin n’avait rien révélé de particulier.
Interloquée, le Pr Brémond lui demande s’il accepterait de lui confier ses résultats. Elle y retrouve la même mutation plaquettaire que chez son premier patient. Confortée dans son intuition, elle lance un appel à ses collègues européens lors d’un congrès, pour leur demander de lui adresser leurs patients pédiatriques présentant ce type de pathologie. Une première collègue, polonaise, se signale. Elle a un patient qui pourrait être concerné. Puis une autre, à Paris. Leurs deux patients présentent effectivement la mutation repérée par le Pr Brémond-Gignac, ce qui lui permet de confirmer qu’il s’agit bien d’un facteur de risque, et de publier un premier article scientifique sur cette pathologie rare. Depuis, les patients sont pris en charge grâce à des anti-agrégants pour limiter les complications, aussi bien oculaires qu’au niveau du système veineux général.


ophtalmo pédiatrie
 

Aider au développement de traitements

  • La kératoconjonctivite vernale

Certaines maladies allergiques oculaires sont très invalidantes pour l’enfant comme la kératoconjonctivite vernale qui entraine une atteinte sévère de la cornée.
Depuis 2007, elle a participé, en tant qu’investigatrice et coordonnatrice européenne, à l’étude clinique de développement d’un collyre à la ciclosporine. Ce collyre est commercialisé dans les pharmacies, depuis 2020, et contribue à une meilleure évolution de la maladie et améliore de façon significative la qualité de vie des enfants atteints.

  • La myopie, un incontournable

Enfin, parce que nombre de ces petits patients en sont atteints, le Pr Brémond-Gignac travaille également sur la myopie, et plus précisément sur sa freination. « Il y a de plus en plus de petits patients myopes, avec des myopies évolutives. C’est donc pertinent de chercher à freiner l’évolution de cette myopie. Beaucoup de systèmes innovants sont sortis sur le marché, que ce soit des verres correcteurs, des lentilles rigides ou défocalisantes, des collyres… Nous avons nous-mêmes une étude clinique en cours sur Necker avec des verres défocalisants ». Ces systèmes freinateurs, même s’ils ne fonctionnent pas sur 100% des patients, se révèlent changer réellement la donne chez l’enfant et sont porteurs d’espoir pour endiguer l’épidémie qui s’annonce. En effet, d’ici 2050, les projections sont de plus de la moitié de la population mondiale touchée par la myopie, dont un milliard de myopes présentant des complications majeures.
Au-delà des mesures préventives, environnementales, il va donc y avoir du travail pour celles qui, comme Dominique Brémond-Gignac, dédient leur carrière à l’amélioration de la vision chez l’enfant.

Propos receuillis par Aline Aurias

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